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Liberté d’expression et petits caractères

Les manifestatnts ajoutent des précisions sur leurs pancartes "Je suis Charlie" qui deviennent "Je suis plus très sur d'être Charlie", "Je suis Charlie sauf des fois", "Je suis Charlie et raciste"
Charlie Hebdo, 20 janvier : on commence à lire les petits caractères

J’ai trouvé ça très beau et très fort, cette mobilisation spontanée et massive après l’attentat contre Charlie Hebdo, ces « Je suis Charlie » qui ont fleuri partout.

Dès les premiers jours cependant, une question pertinente a surgi : « Tous ces gens dans la rue qui affirment être (et suivre) Charlie savent-ils vraiment de quoi il s’agit ? » . On a même ironisé sur la tête que feraient pas mal d’entre eux en découvrant le style Charlie, après s’être abonnés, dans un bel élan du coeur, pour  52 ( c i n q u a n t e   d e u x ! ! ! ) exemplaires (Oui, ça en fait).

Pour ma part je ne lisais pas Charlie Hebdo toutes les semaines, loin de là. Ces dernières années, j’en prenais tout juste un numéro de temps à autre, pour l’incisivité sans concession des dessins, les chroniques qui visent juste, et l’esprit rebelle qui ébouriffe les neurones, donne envie de refaire le monde,  et accessoirement me rappelle ma (relativement) folle jeunesse.

Sans être parmi ses meilleurs potes, je prétends donc connaître un peu ce fameux Charlie, comme un ami de longue date qu’on voit de loin en loin. Aussi pour moi le leitmotiv « Je suis Charlie » était-il sans ambigüité : quand je dis que je suis Charlie, j’entends par là que je suis pour la liberté d’expression, et j’y inclue la publication de dessins éventuellement potaches et vulgaires, parce que la liberté d’expression et l’humour de bon goût sont deux choses distinctes.

Ce n’est que ces derniers jours que j’ai réalisé que « Je suis Charlie » ne voulait pas dire la même chose pour tout le monde.

Ces derniers jours est arrivé ce qui faisait ricaner d’avance le cercle de ceux qui connaissaient Charlie : les gens qui disaient être Charlie sans le connaître ont enfin découvert son visage de prés: libre mais irrévérencieux, brillant mais vulgaire, pertinent mais potache, souvent drôle mais parfois de mauvais goût… J’en riais d’avance mais pensais que la blague s’arrêterait là, n’aurait pas de chute.

Hélas elle en a une : aujourd’hui on apprend que 42% des français estiment qu’il ne faut pas publier de caricatures du prophète Mahomet (source).

Certains pour de gentilles raisons, par politesse, je suppose. Pour ceux qui comme moi pensaient avoir assisté ces derniers jours à un mouvement sans précédent en faveur de la liberté d’expression, la déception n’est pas mince. Le débat ne fait que commencer, et il n’est pas gagné d’avance.

Au final je me demande si on saura un jour la variété des convictions que les gens avaient en tête en disant « Je suis Charlie ».

La liberté d’expression, c’est comme la peine de mort : soit on est pour, soit on est contre, mais ça ne peut s’assortir de conditions générales de vente en petits caractères.

J’invite sincèrement toutes les personnes ayant une sensibilité délicate à ne pas lire Charlie Hebdo si le style Charlie les outre !

De même, si vous ne jurez que par les maisons en bois, n’achetez surtout pas le magazine « Passion Hangar métallique »

Et puis aussi, j’encourage du fond du coeur tous les gens qui ne supportent pas l’opéra à ne pas aller voir d’opéra, etc.

 

Par contre, par pitié, ne rajoutez pas des petits caractères quand on vous demande si oui ou non vous êtes pour la liberté d’expression, si oui ou non vous êtes Charlie.

Je suis Charlie.

Il me semble.