Une fois n’est pas coutume, pas d’image pour illustrer cet article. Que du bla bla… mais garanti non généré par IA !
Vous avez sûrement comme moi vu débarquer puis proliférer les images générées par Intelligence Artificielle.
Il y a quelques années à peine, c’était encore un objet de curiosité pour geek, les images par IA ressemblaient à des délires psychédéliques monstrueux, c’était drôle, et un peu dérangeant.
Puis c’est devenu mieux ficelé, mais ça restait décelable : Le pape dansait le disco, Macron mettait le feu à des poubelles … et dans la presse des articles expliquaient que pour reconnaître une fausse image, il y avait des trucs simples genre « Comptez les doigts : souvent les IA se trompent et en mettent trop ou pas assez« .
Mouais.
En quelques mois, les IA se sont rapidement améliorées, et tous ces trucs simples sont devenus obsolètes.
C’est devenu nettement plus délicat de déceler la patte d’une IA.
Que ce soit dans une photo réaliste, dans une illustration, et à présent dans des vidéos et du son… Difficile d’imaginer jusqu’où ça ira .
Le saviez-vous ? Un nouveau type d’arnaque est apparu : l’arnaqueur mène un appel vidéo en se faisant passer pour quelqu’un de confiance (genre le banquier de son interlocuteur) : la magie de l’IA lui permet de prendre la voix et l’apparence souhaitée, en temps réel, de façon suffisamment convaincante pour arnaquer sa victime.
D’ici peu, on repensera au bon vieux temps où traficoter une image, une vidéo, c’était très technique, pas donné, et souvent mal fait, du coup on savait – à peu près – ce qui était vrai, ce qui l’était moins. Aujourd’hui le moindre smartphone est capable d’effets spéciaux dont Hollywood n’aurait même pas osé rêver il y a 10 ans.
Je pense aux images IA épatantes qui fleurissent sur les réseaux sociaux, du genre
« Et si le Seigneur des Anneaux avait été adapté en film dans les années 50 ?«
Les passionnés d’IA et de cinoche
…Et je suis pris d’un vertige tant les images proposées sont crédibles :
Je SAIS, avec certitude, qu’elles sont fausses, puisque je ne les avais vues nulle part avant, malgré mon intérêt pour le sujet.
Et que ces images surgissent en pleine vague « Vive les IA« .
Qui plus est sur des comptes sociaux qui revendiquent l’utilisation d’IA.
Mais d’ici quelques temps, quand ces images auront essaimé de ci de là sur divers sites, sur des forums, des bases d’images… Alors le doute s’immiscera, d’abord chez les plus jeunes : « Peut-être bien que le Seigneur des Anneaux a connu une adaptation dans les années 50 ?…«
Cet exemple très très anecdotique sera multiplié par des milliers, et c’est ce qui m’inquiète .
Car on va se retrouver à vivre dans un tourbillon d’intox qu’on n’aura plus les moyens ni le temps de trier.
Et l’humanité s’y habituera, puisque c’est une des choses qu’elle fait le mieux. Et nous vivrons avec ce doute pas grave mais lancinant, parmi des milliers d’autres : « Peut-être bien que dans les années 50 … »
Il y aura bien quelques historiens qui tenteront de trancher, d’expliquer, en se basant sur des sources vérifiées, mais comment les croire ? Après tout leurs vidéos explicatives, leurs témoignages, leurs preuves sont peut-être générées par IA ?
Pour en revenir à l’art, puisque la création est tout de même le sujet de ce site, j’entends souvent l’argument suivant, avec lequel j’aurais beaucoup aimé être d’accord :
» L’art généré par IA, ça ne vaut rien car ce n’est pas un humain qui l’a fait avec ses émotions, son vécu, ses tripes «
Les gens partisans de la supériorité indéniable et éternelle de l’humanité
Je l’entends, y compris venant de gens brillants (ex: A.Astier dans cette vidéo passionnante sur l’IA et le cinéma) cependant pour pouvoir fonctionner l’argument implique que l’on sache qu’une œuvre a été générée par IA. Or ce n’est pas forcément le cas, et ça ne va pas aller en s’arrangeant.
Cet argument voudrait qu’une création générée par IA, aussi bluffante soit-elle, soit automatiquement et définitivement disqualifiée simplement parce que non issue d’un cerveau humain.
Soit.
Mais imaginons qu’un humain mente (soyons fou), et prétende que la création en question est de lui. L’œuvre pourra-t-elle alors prétendre au génie ?
On peut discuter de la séparation entre l’œuvre et l’auteur, encore faut-il savoir qui est l’auteur.
( Fun fact : lorsque l’humain ne saura définitivement plus distinguer le « made by AI » du « made by human » * une solution émerge déjà : confier ce diagnostic… à une IA )
Pour ma part, je suis soufflé par la qualité et le rendu de ce que génèrent les IA.
J’ai toute ma vie dessiné des choses qui n’existaient pas, en puisant dans mon imaginaire, nourri par les univers qui me passionnaient. Ces visions ne risquaient pas d’être prises en photos ou dessinées par quelqu’un d’autre, car elles n’existaient pas vous dis-je, à part dans ma tête.
« Ça mérite que je consacre des heures à coucher cette idée sur le papier, car c’est la seule façon de la partager » me disais-je… ce n’est désormais plus le cas ! Même plus besoin de savoir dessiner, on peut aujourd’hui résumer ce qu’on a en tête à une IA (on dit prompter ), et la laisser faire le job, puis ajuster les détails, ou encore changer son fusil d’épaule si ce que propose l’IA convient tel quel, voire vous inspire une autre idée.
Et tout ça ne prend que quelques minutes, et quelques euros, contrairement à ces lourdauds d’humains, à qui la moindre image fignolée demande des heures, sans parler du salaire adéquat parce qu’ils ont des factures à payer, une famille à nourrir gna gna gna.
Il semblerait que mon talent pour le dessin va rejoindre d’autres talents intéréssants-mais-obsolètes, dans le vaste placard « trucs que les humains faisaient avant, mais qu’on confie désormais aux machines qui s’en chargent mieux et mille fois plus vite« .
Je ne compte pas cesser de créer, mais dans un monde d’IA ce sera désormais plus pour mon plaisir, et -j’espère- celui de quelques amateurs de dessin made by human … Je crains que les dessins de commande ne se raréfient au profit de prompts IA de type « Fais moi un dessin comme-ci-comme-ça dans le style de Reicluos » !
Qui vivra verra
* made in human : penser à marquer ça sur mes créas